Interview:1998-Wakeford-InTension


Solstice d’été .998 era vulgaris. Nous recevions alors dans notre émission radiophonique Le Miracle de la Rose TONY WAKEFORD et SKALD pour un pique-nique improvisé, entretiens et sessions acoustiques. Pour être franc, en relisant (avec le recul) l’entretien qui suit avec le leader de l’infatigable SOL INVICTUS, on a du mal à comprendre où nous voulions en venir… et combien sont loin les sujets d’études qui nous parlaient « alors »… ici et maintenant… toujours est-il que ce week-end contribua de beaucoup à l’élaboration du TOPI, d’où sa valeur sentimentale (d’aucuns diront « mièvre », he he)… Une interview menée par frater Moino, frater Amadeo, frater Tazollio-Polette, soror Bloche, soror Eurydice, soror ALaura.

Vient d’arriver dans les bacs une réédition des disques de ton tout premier groupe, CRISIS (combo punk, fin .970s). Dans quelle optique ce double CD a-t-il été produit, et tous les membres du groupe ont-ils été concertés à ce sujet ?

Il y a deux ans de cela, Douglas P. et moi-même hésitions encore quant à l’avenir de ces enregistrements – soit nous en brûlions les maquettes, soit nous les ressortions. Nous avons opté pour cette seconde alternative. La plupart de ces disques sont devenus des collectors qui atteignent des prix ahurissants, il était donc raisonnable de les rendre plus accessibles. Nous avons ainsi mis un terme à cette spéculation. Tous les membres qui ont pu être contactés l’ont été, les autres sont en prison ou… morts ! (rires)

Parue récemment aussi, la compilation In Europa et l’on est en droit de se demander si cela marque la fin d’une époque et si SOL INVICTUS envisage d’explorer de nouveaux horizons musicaux ?

D’une certaine manière, oui. J’avais beaucoup apprécié cet enregistrement live que nous avions fait pour la radio Vpro à Amsterdam, et je tenais à sortir ce disque à tout prix. Avec des extraits d’autres concerts, c’en est effectivement devenu une sorte de compilation de SOL INVICTUS. Le prochain album sera un nouveau pas, en avant je l’espère !

Et quelle importance accordes-tu à tes projets parallèles – en solo, avec L’ORCHESTRE NOIR etc ?

C’est pour moi une opportunité d’expérimenter dans d’autres registres musicaux ; SOL INVICTUS est plus cantonné dans les chansons et mélodies traditionnelles, et se vend donc mieux que mes autres projets car les gens savent à quoi s’attendre. Mais j’aime faire de nouvelles expériences, et ceux qui achètent ces disques savent alors que ce n’est pas du SOL INVICTUS. C’est une démarche plus honnête.

Parmi ces projets, peux-tu nous donner quelques précisions quant à l’album produit avec TOR LUNDVALL ?

C’est une collaboration, au même titre que Revenge of the Selfish Shellfish composé avec Steven Stapleton. Des Etats-Unis, Tor me faisait parvenir ses cassettes DAT par courrier, me fournissant de la sorte la structure de base de ses morceaux et voilà…

A l’écoute de SOL INVICTUS, on peut percevoir qu’une forme de romantisme est toujours liée aux symboles et aux traditions Grecs et Romains (et plus particulièrement au paganisme). Adhères-tu à ce point de vue ?

Oui. C’est simplifié, bien sûr, mais c’est une assez bonne description de l’écriture des chansons.

Toujours en lien avec la Romanité, mais dans un autre sens, il semblerait que tu entretiennes des rapports ambigus avec le Christianisme (qui était d’ailleurs en lutte avec le culte du Soleil invaincu sous l’empereur Julien – dit l’Apostat).On peut discerner, d’une certaine manière, une critique assez virulente de l’esprit religieux (ie. bigot) et d’un autre côté des citations de Kierkegaard et l’intérêt que tu portes aux œuvres du compositeur Arvo Pärt…

La plus virulente critique du christianisme transparaît surtout dans les premiers travaux de SOL INVICTUS et je suis toujours aussi critique par rapport au christianisme moderne. Que ce soit le mouvement libéral, qui tend à tout pardonner sans motif valable, ou la vague réactionnaire, qui voudrait mener sur le bûcher les gens en fonction des personnes avec qui ils couchent ! (rires) Mais en dépit de tout cela l’une des formes d’art, de musique et d’architecture que je préfère a été engendrée par le catholicisme… il serait injuste de ne pas reconnaître cette valeur là.

On a un peu l’impression que SOL INVICTUS tend à se présenter comme une synthèse de la religion grecque, de l’armée romaine peut-être (pour le côté plus martial) et des nouveaux mystiques Européens tels que Nietzsche ou Kierkegaard ; à quoi vient s’ajouter une réelle conscience de l’existence et de son tragique – une lucidité certaine. De nos jours, alors que les symboles tendent à s’effriter, penses-tu que l’on doive revenir aux anciennes cultures afin de combattre une certaine forme de la modernité ?

C’est effectivement une synthèse de tous mers centres d’intérêt. Cela étant, la nature même du monde moderne, son caractère impitoyable, puise ses origines dans notre passé. Il ne suffit donc pas de glorifier, d’idéaliser ou d’occulter ce passé ; il faut replacer les choses dans leur contexte.

A ce propos, selon toi la pré chrétienté pourrait-elle correspondre à nos expériences de la modernité ?

Essayer de retourner à un passé pagano-mythique n’est ni réalisable ni attrayant. Ce que l’on doit retenir du paganisme, c’est la reconnaissance de la Nature et le retour à un contact direct avec celle-ci.

« The Law of the Strong – this is our Law and the Joy of the World. » Cet extrait du Liber AL du mage-farceur Aleister Crowley que tu utilisais devait-il être interprété au premier degré ou ne doit-on pas plutôt le rapprocher de cette maxime de William Blake : « Energy is Eternal Delight ! ». Soit la créativité conçue comme une force admirable ?..

Oui, je vois en la Puissance une force élitiste et créative, et non pas ce concept pseudo-macho auquel les idiots l’ont tout de suite assimilé. Quant à savoir ce que Crowley lui-même entendait par là, je ne m’hasarderai même pas à en chercher la réponse ! (rires)

Enfin, que penses-tu de la célèbre citation d’André Malraux, « le troisième millénaire sera spirituel ou ne sera pas » ?

Tout à fait. (rires) Aujourd’hui nous avons atteint de nombreux progrès sur un plan technologique, mais bien peu sur le plan spirituel. De plus, la technologie se trouve entre les mains de personnes qui, malheureusement, n’ont dans l’idée que l’argent, le profit personnel et le pouvoir.

Première parution dans « Phantasm Muzik » n°1. Profonds respects et remerciements à Tony, Jauffré, Sowila, L’Archiviste, C. Darnaud et Sol Fm.

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